mardi 24 mars 2009

Du "Pontifex Maximus" au "Dictatus papae"


Pontifex Maximus, ce titre de Grand Pontife, était au temps de l’Empire romain une dignité honorifique octroyée par le Sénat de Rome à l’empereur. Cet homme qui dominait un empire herculéen, par cet honneur, devenait le gardien de la religion romaine. Presque à l’égal d’un dieu, il lui revenait de garantir le culte du panthéon romain mais surtout le sien, le culte impérial : cette vénération obligatoire rendue à sa personne, représentée par ces milliers de bustes impériaux ornant le centre de toutes les cités romaines, avait pour tâche d’assurer la cohésion d’un immense empire. Car enfin, comment cette mosaïque de peuples agrégés aurait-elle pu se maintenir sans ce puissant relais du cœur de Rome qui brillait de mille feux au sein de cette constellation de cités ?

Les empires, quels qu’ils soient, ne peuvent se maintenir dans l’éternité. Comme tout élément soumis à la rude épreuve du temps, ils s’effacent et finissent par rejoindre le grand livre de la mémoire humaine. Mais il est un élément de la grandeur de cet empire qui demeure toujours vivant au milieu des vestiges de celle-ci. Toujours à Rome, la cité éternelle.
Le christianisme, à l’heure de 476 qui voit le dernier empereur romain d’Occident – Romulus Augustulus - être déposé par Odoacre, chef barbare, était déjà fort implanté dans l'esprit des Romains qu’ils fussent plébéiens ou patriciens. Aucune des nombreuses persécutions qui ont émaillé sa jeune existence ne réussit à enrayer sa volonté de s’étendre encore et toujours, jusqu’à être en cet instant crucial la religion officielle d’un empire moribond.
Sortie en son temps de la clandestinité par les intérêts de l’empereur Constantin - l'intéressé comme ses successeurs baptisés, n'abandonnèrent pas pour autant cette prétention de Grand Pontife de la religion romaine traditionnelle parce que relais sacré du pouvoir impérial - la fonction papale récupère dès 379 cette fameuse dignité sacrée, à laquelle l'empereur Gratien renonce ; enfin elle peut se revêtir de cette grande tunique de la cohésion des peuples, bribe d’une grande puissance à l'agonie. À ce séisme important dans l’histoire des civilisations et par ce sacro-saint mariage, la religion chrétienne semblant condamnée de prime abord, doit d’avoir vu son pouvoir considérablement renforcé. Face aux Barbares pillant Rome de ses trésors millénaires, recouvert de la dignité de Pontifex Maximus, il ne reste plus au christianisme qu'à incliner la main, et de ses doigts, chaque front guerrier reçoit la conversion par le baptême du Christ.
Du statut de païen à celui de chrétien, le destin de tous ces hommes passe désormais par les bienveillantes effluves de la basilique Saint-Pierre et du représentant de Dieu sur terre, le pape. Il porte à présent le titre de souverain pontife voyant l'essence impériale se diluer en lui, abandonnant le domaine temporel pour rejoindre la sphère spirituelle. Par sa personne, il continue ainsi d’animer les âmes d'un monde romain devenu chrétien.

Ces jours-ci, le dernier représentant de la très longue lignée de papes ne semble toujours pas avoir retrouvé cette lumineuse puissance œcuménique léguée par la Rome antique. Ce feu fédérateur qui rassemblait derrière l'empereur des milliers de fières poitrines, toutes palpitantes d’un même rythme, a fini par s'éteindre progressivement au cours des innombrables successions pontificales. Et sur l’îlot de l’intolérance – signe d’une profonde crise identitaire - le message du pape s’est lamentablement échoué.
Voulant être porté par les ailes d’une parole universelle, il n’est plus aujourd’hui qu’un arbitraire Dictatus papae – que plus personne n’écoute tant il ne correspond plus à notre monde actuel.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire